

Le Portugal dépose l'instrument de ratification de l'IML
Le 28 février dernier, le Portugal a déposé auprès de l'OCDE l'instrument de ratification de la Convention multilatérale pour l'la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices ("Instrument multilatéral" ou "IML"). Par conséquent, l'IML entrera en vigueur pour le Portugal à partir du 1er juin 2020.
QU'EST-CE QUE LA CONVENTION MULTILATÉRALE OU MLI
Cette convention est un instrument très novateur qui permet la modification automatique et simultanée des conventions de double imposition conclues entre les États signataires, ce qui introduit une certaine souplesse et un gain de temps dans un processus de négociation qui est généralement assez complexe et long.
L'IML est l'un des résultats du projet appelé BEPS (Erosion and Profit Shifting Base), développé en 2013 par l'OCDE et approuvé par le G20 dans le but de lutter contre les stratégies de planification fiscale qui entraînent un transfert artificiel des bénéfices des entreprises vers des juridictions à faible ou à zéro niveau d'imposition et où les entreprises développent une activité réduite, voire nulle.
LES ACTIONS DE BEPS ET LEURS OBJECTIFS
Après quelques années de travail, le projet BEPS final a été présenté et approuvé par le G20 en novembre 2015. Le rapport final a identifié 15 actions pour lutter contre l'érosion des bases d'imposition et le transfert des bénéfices, en définissant des délais pour la mise en œuvre de chacune d'entre elles.
Les outils dont les pays et les économies ont besoin pour s'assurer que les bénéfices des entreprises sont imposés là où les activités économiques sont développées et où la valeur est créée ont ainsi été présentés. La mise en œuvre de plusieurs de ses mesures, à savoir celles prévues dans les actions 2 (Neutralisation des effets des dispositifs hybrides de disparité), 6 (Prévention des abus des conventions fiscales), 7 (Statut d'établissement stable) et 14 (Procédure amiable), implique toutefois des modifications des modèles de conventions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et, par nature, des nombreuses conventions de double imposition (CDT) conclues entre les différents États.
Compte tenu de la complexité et de la longueur des négociations impliquées dans les accords bilatéraux, le projet BEPS a recommandé, dans le rapport sur l'action 15, l'adoption d'un instrument multilatéral qui permettrait aux pays de modifier rapidement leur réseau de traités bilatéraux par l'introduction automatique et simultanée des mesures élaborées dans le cadre du projet BEPS sans qu'il soit nécessaire de mener des négociations bilatérales. Cela a donné naissance à la Convention multilatérale ou MLI, adoptée en novembre 2016 et déjà signée par un total de 94 juridictions. Fin février 2020, 43 de ces juridictions avaient déjà déposé l'instrument de ratification de la Convention, assurant ainsi son entrée en vigueur.
COMMENT FONCTIONNE L'IML
L'IML contient des normes obligatoires, qui consacrent les normes minimales prévues par l'action 15 du BEPS, et des normes facultatives, dont l'adoption est laissée à la discrétion des États signataires.
Les normes minimales sont celles qui visent à prévenir les abus des traités (action 6) par l'adoption d'une clause générale anti-abus (dite "test de l'objet principal", avec toutefois la possibilité d'inclure une clause simplifiée de limitation des prestations - "LoB"), ainsi que celles qui visent à améliorer la résolution des litiges et des différends dans l'application des conventions (action 14) par l'adoption de la procédure amiable.
Les règles facultatives concernent les asymétries hybrides, l'abus de conventions (notamment en ce qui concerne les dividendes, les plus-values immobilières et la notion d'établissement stable) et l'arbitrage. Outre le fait que l'adoption de ces normes est facultative, les États peuvent formuler des réserves quant à l'inclusion de ces dispositions dans leurs conventions et choisir différentes alternatives pour chaque disposition. Ainsi, les conventions ne seront modifiées automatiquement qu'en cas de concordance des options des deux États contractants d'une convention donnée. Dans le cas contraire, les États devront négocier bilatéralement les modifications souhaitées.
LES POSITIONS DU PORTUGAL DANS LE MLI
D'une manière générale, le Portugal a adopté les positions suivantes concernant le type de normes de l'IML :
NORMES OBLIGATOIRES/ MINIMALES :
- Prévention de l'utilisation abusive des conventions : Le Portugal adopte le test de l'objet principal sans la LdB simplifiée.
- Résolution des litiges et des différends par une nouvelle procédure amiable.
- Ajustements corrélatifs : le Portugal a également adopté la règle qui prévoit des ajustements compensatoires lorsque le respect des règles relatives aux prix de transfert entraîne une double imposition pour le contribuable.
DES RÈGLES FACULTATIVES :
- Dividendes : le taux réduit de retenue à la source sur le transfert des dividendes ne s'appliquera que lorsqu'une période de détention minimale de 365 jours est respectée ;
- Les plus-values réalisées avec des sociétés immobilières : la cession d'actions ou de droits similaires dans des sociétés ou dans une structure fiduciaire peut être imposée dans l'État de la source lorsque, à tout moment au cours des 365 jours précédents, la valeur de ces actions ou droits similaires résulte, directement ou indirectement, de plus de 50 % des biens immobiliers qui y sont situés.
- Notion d'établissement stable : le Portugal adopte l'introduction d'une règle anti-fragmentation afin que le caractère préparatoire ou auxiliaire des activités n'empêche pas l'existence d'un établissement stable ;
- Arbitrage : le Portugal a opté pour un arbitrage obligatoire et contraignant, et son champ d'application ne sera pas applicable aux cas de délits fiscaux ou à l'application de règles anti-abus (conventionnelles ou nationales).
QUEL EST L'IMPACT POUR LE PORTUGAL DE L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU MLI ?
Concrètement, l'impact de l'IML sera d'autant plus grand que les États seront nombreux à ratifier la convention multilatérale. La mise en œuvre des normes minimales est obligatoire, de sorte que dans ces matières, les conventions signées entre les États signataires seront automatiquement modifiées. Dans le cas des normes facultatives, une convention de double imposition donnée ne peut être modifiée automatiquement que s'il y a concordance entre les différentes alternatives choisies par les deux États contractants.
En revanche, l'adoption de versions consolidées des conventions modifiées n'est pas obligatoire, puisque l'IMLs'applique parallèlement aux conventions existantes. Par conséquent, il est désormais recommandé non seulement d'analyser la convention en question, mais aussi les implications découlant de l'entrée en vigueur de l'IML au Portugal.